Cette année, l'Eurovision a lieu en Suisse, à Bâle. Un retour aux origines pour le concours de la chanson, né à Lugano en 1956 sous l’impulsion de la toute jeune UER (Union Européenne de Radio-Télévision). Depuis, la Suisse n’a accueilli l’événement qu’à deux reprises : en 1956, puis en 1989.
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Près de 70 ans plus tard, l'Eurovision est devenu l’un des plus grands événements musicaux télévisés en direct au monde. En 2024, il a rassemblé 163 millions de téléspectateurs, sans compter les connexions en ligne via Youtube et TikTok. En coulisses, l’édition 2024 a mobilisé plus de 1500 professionnels dont 250 pour la diffusion (scène, caméras, lumière, vidéo, son…). Le concours constitue ainsi un défi technique hors norme, où chaque performance en direct doit s’enchainer avec une précision absolue.
Comment aborde t-on la direction artistique d’un projet de cette ampleur ? Comment préserver une cohérence graphique à chaque étape, quand chaque détail est scruté par des millions de téléspectateurs ?
Entre les deux demi-finales, Artur Deyneuve, directeur artistique de l’édition 2025, nous a accordé un moment pour revenir sur cette aventure créative, et partager les coulisses d’un design pensé pour des millions de spectateurs.
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Les origines du projet
Artur Deyneuve a travaillé pendant 15 ans dans la publicité, accompagnant de grandes marques sur des projets de communication et de rebranding. Installé en Suisse depuis 2019, il a notamment contribué à la refonte de l’identité visuelle de Swiss Airlines, ainsi qu’à plusieurs campagnes pour Swisscom.
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Rebranding Swiss Airlines (2024)
Habillage sponsoring pour la chaîne SRF (2023)
Pour lui, c'est en juin 2024 que l'aventure Eurovision 2025 a débuté : “Lorsque j’ai reçu le brief de l’Eurovision, je l’ai abordé comme mes projets précédents mais je savais aussi que je mettais les pieds dans un univers totalement différent” nous confie t-il. “Plus le projet prenait forme, plus je réalisais à quel point ce n'était pas comparable à une campagne publicitaire classique”
Dans le brief de la SRG SSR (la télévision publique suisse chargée de l’organisation de l’édition 2025), un thème s’impose : "Welcome home", que l’on pourrait traduire par "De retour à la maison". Ce fil conducteur devait ainsi guider les choix artistiques, tout en intégrant certains éléments graphiques invariants définis par l’UER deux ans plus tôt, afin d’assurer une continuité visuelle entre les éditions :
“Pendant longtemps, chaque pays organisateur était libre de créer sa propre identité, en reprenant uniquement le logo Eurovision. En 2023, un tournant s’opère : le slogan “United by Music” est introduit, associé à une charte de marque établie par l’UER, regroupant les valeurs, les typographies, les couleurs… C’est donc un cadre que nous devions aussi respecter pour l’édition 2025”
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En 2023 et 2024, les pays hôtes ont ainsi imaginé des concepts différents, tout en intégrant les éléments visuels communs à l’identité de marque de l’Eurovision : “À Liverpool, l’identité visuelle jouait sur le motif du cœur, symbolisant un battement partagé. L’année suivante, à Malmö, ils ont beaucoup travaillé avec les dégradés de couleurs, ce qui fait vraiment partie de l’univers Eurovision. Pour l’édition de cette année, je devais suivre la même logique, tout en trouvant quelque chose à dire sur la Suisse et respecter la marque Eurovision”
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Exemple d'identité visuelle - Eurovision Song Contest 2023 - Liverpool
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Exemple d'identité visuelle - Eurovision Song Contest 2024 - Malmö
S’ouvre alors une phase de réflexions, entre sessions de brainstorming et ateliers de conception, pour articuler l’univers de la marque Eurovision avec l’identité helvétique : que représente la Suisse ? Qu’est-ce qui la rend singulière aux yeux du monde ?
“Il y a tellement de choses à dire, je pourrais en parler pendant des heures !” s’enthousiasme Artur Deyneuve. ”Pendant ces ateliers, mon rôle était de trouver le golden nugget (la pépite). On s’est dit : OK, que peut-on dire à propos de la Suisse ? A Malmö l’année dernière, ils ont travaillé autour des aurores boréales. Mais c’était difficile de trouver quelque chose d’équivalent en Suisse parce que les sujets nous semblaient tellement nombreux... Cependant il y a un aspect que l’on a trouvé vraiment unique : c’est la démocratie directe. Pendant nos échanges, on a tous senti que c’était cela qui rendait la Suisse différente, et probablement de tout autre pays du monde. On était tous d’accord : c’est ce dont nous voulions parler”
Mettre en image ce qui rend la Suisse unique
Le concept de démocratie directe faisant l’unanimité, il s’agit alors de la traduire graphiquement. C’est alors que l’idée d’un coeur s’est imposée, presque naturellement : “J’ai simplement remarqué qu’en plaçant deux oreilles côte à côté, on obtenait un coeur.
Avec ses deux parties de tailles différentes, il représente la diversité”.
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“J’ai ensuite continué de creuser en me demandant comment je pourrais, grâce à ces coeurs, apporter d’autres éléments particuliers et créer une histoire avec ce design, la ville hôte et d’autres spécificités suisses”
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Un héritage graphique suisse
L’identité visuelle s’inspire également d’un autre pilier de la Suisse : sa culture du design graphique.
La précision helvétique se traduit ici par une grille composée de coeur de tailles et de formes variées, un clin d’oeil assumé à la tradition du design suisse : “si vous regardez bien il y a des coeurs dans les coeurs, et certains sont super fins !"
Pour Artur Deyneuve, cette grille symbolise le public réuni en un même lieu pour partager un moment commun : ”On s’est posé cette question : que se passe-t-il quand des millions de personnes se réunissent ? Comment faire circuler tout cet amour ? C’est comme ça que la grille est née : c’était la seule façon de montrer autant de cœurs au même endroit”
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Ce motif structurant est enrichi par un tramage en demi-teinte, une référence directe à l’histoire de l’imprimerie à Bâle, haut lieu de production imprimée au XVIe siècle.
L’ancrage historique se prolonge dans le choix typographique. L’équipe a souhaité renouer avec l’esprit du tout premier concours à Lugano en 1956, en concevant un caractère aussi traditionnel que possible. Dessinée par le typographe Ian Party, la police Eurotimes tranche volontairement avec les formes et les couleurs vives de l’univers visuel.
Au-delà de son dessin, le choix de la casse a également été réfléchi. Ces dernières années, les identités visuelles de l’Eurovision utilisaient quasi systématiquement les majuscules. En 2025, l’équipe a privilégié une approche différente, avec des minuscules pour présenter les pays et certains titres : « Cette année, on voulait montrer qu’on était là pour s’écouter, pas pour crier. On a pensé qu’une casse en minuscules seraient plus propices à la discussion ».
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Si Bâle fut jadis le berceau de l’imprimerie suisse, elle est aujourd’hui une ville tournée vers la technologie et l’industrie pharmaceutique, ce qui ouvre la voix à d’autres sources d’inspiration plus surprenantes : “On a voulu creuser ces aspects actuels, et nous avons aussi puisé une autre référence : le LSD, pour ce qu’il évoque comme couleurs, comme formes…”, explique Artur Deyneuve. Le LSD a en effet été découvert à Bâle en 1938, par le chimiste suisse Albert Hofmann.
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L’univers musical de cette édition a été confié à l’agence MassiveMusic, en étroite collaboration avec l’équipe en charge de l’identité visuelle. Le son et l’image ont été pensés ensemble : “On était toujours dans la même pièce, à travailler avec la même intention. Le processus de création de la musique suivait exactement la même logique que pour le design : on est partis de la Suisse. Qu’est-ce qui fait la Suisse ? Le folklore, la nature… Et pour donner plus de rythme, plus d’énergie pour le show, on a aussi pensé à l’électro, à la techno. En Suisse, il y a la parade de Zurich, qui est classée à l’UNESCO comme la plus grande parade du monde. Alors on a mélangé tout ça : la techno, le yodel, avec un groupe de Bâle qui nous a aidés. On a mis tout ça dans un sac, on a secoué… et voilà. C’était vraiment fun.”
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Donner vie au design
Le design et la musique créés, il est temps de rendre tout cela télévisuel, de l’animer. Pour Artur Deyneuve, la transposition sur scène et à l’écran est une nouvelle facette du projet, qu’il aborde avec enthousiasme : “En réalité, je n’avais jamais fait ce métier de ma vie ! Mais cela m’a beaucoup aidé d’avoir été impliqué avec l’équipe dès le début”
Les échanges permanents avec les équipes de production ont permis d’identifier rapidement les contraintes liées à la diffusion télévisée : “On m’a dit tout de suite : l’effet moiré, ça ne fonctionnera pas à la télévision. C’était génial d’appréhender ces problématiques techniques, parce que cela a permis à l’identité et à la marque d’évoluer.”
Au moment de concevoir la scénographie, il revient à l’une des idées fondatrices du projet : la grille : “On construit tout à partir de cette grille. Je me suis dit, OK, on est en Suisse, on a des montagnes devant nous… Alors que se passerait-il si je construisais un beau paysage, fait de nos cœurs en 3D ?”
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Les contraintes techniques ne se sont pas limitées à l’image : elles ont également nécessité des ajustements typographiques. La typographie Eurotimes, dessinée spécialement pour l’événement, n’a pas pu être utilisée dans certains synthés, notamment les tableaux de score ou de vote, pour des raisons de lisibilité. Des adaptations ont donc été nécessaires pour garantir une bonne lecture à l’écran.
Les "postcards", modules diffusés avant chaque performance en direct.
Autre singularité suisse : la forme de son drapeau. En effet, avec le Vatican, la Suisse est le seul pays au monde à arborer un drapeau carré. Une forme atypique, souvent malmenée dans les habillages standardisés des grandes productions télévisées, où le rectangle règne en maître.
Mais cette fois, c’est la Suisse qui accueille. Alors Artur Deyneuve s’est amusé à inverser les rôles : “Depuis le premier jour, on n’a utilisé que des drapeaux carrés !”
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Avec le recul, il mesure l’ampleur du chantier. Avec une équipe de 50 personnes, la direction artistique a été au contact de tous les métiers : production, tournage des “postcards”, communication, typographie…
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“Je me souviens d’avoir reçu une infographie, au tout début. Un diagramme énorme, avec toutes les équipes, tous les départements. Et là, je vois deux noms au centre, dont le mien. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que mon travail allait toucher à tout”
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La finale du Concours Eurovision de la chanson 2025 se tiendra samedi 17 mai 2025 à 21h00 (heure de Paris). En France, l’événement sera diffusé en direct sur France 2 et en streaming sur la plateforme france.tv. Elle sera également diffusée en direct sur la chaîne YouTube officielle de l’Eurovision.
Cette année, la France est représentée par Louane avec sa chanson “Maman”. Elle se produira en 24e position lors de la finale.
Crédits
Artistic direction : Artur Deyneuve
Graphic design : Lukas Stadelmann
Motion design : Alain Fiechter
Manifesto : Eqal Visual Productions
Visual identity system : Not Wieden+Kennedy
Music : Massive Music
Typography : Newglyph
Postcards : Dynamic Frame GmbH
Coordinated by EBU. Hosted by SRG SSR.
Copyright visuels : SRG SSR.
Article : Antoine Etienne, Johann Frarier, Valentin Socha

Près de 70 ans plus tard, l'Eurovision est devenu l’un des plus grands événements musicaux télévisés en direct au monde. En 2024, il a rassemblé 163 millions de téléspectateurs, sans compter les connexions en ligne via Youtube et TikTok. En coulisses, l’édition 2024 a mobilisé plus de 1500 professionnels dont 250 pour la diffusion (scène, caméras, lumière, vidéo, son…). Le concours constitue ainsi un défi technique hors norme, où chaque performance en direct doit s’enchainer avec une précision absolue.
Comment aborde t-on la direction artistique d’un projet de cette ampleur ? Comment préserver une cohérence graphique à chaque étape, quand chaque détail est scruté par des millions de téléspectateurs ?
Entre les deux demi-finales, Artur Deyneuve, directeur artistique de l’édition 2025, nous a accordé un moment pour revenir sur cette aventure créative, et partager les coulisses d’un design pensé pour des millions de spectateurs.

Les origines du projet
Artur Deyneuve a travaillé pendant 15 ans dans la publicité, accompagnant de grandes marques sur des projets de communication et de rebranding. Installé en Suisse depuis 2019, il a notamment contribué à la refonte de l’identité visuelle de Swiss Airlines, ainsi qu’à plusieurs campagnes pour Swisscom.

Rebranding Swiss Airlines (2024)
Habillage sponsoring pour la chaîne SRF (2023)
Pour lui, c'est en juin 2024 que l'aventure Eurovision 2025 a débuté : “Lorsque j’ai reçu le brief de l’Eurovision, je l’ai abordé comme mes projets précédents mais je savais aussi que je mettais les pieds dans un univers totalement différent” nous confie t-il. “Plus le projet prenait forme, plus je réalisais à quel point ce n'était pas comparable à une campagne publicitaire classique”
Dans le brief de la SRG SSR (la télévision publique suisse chargée de l’organisation de l’édition 2025), un thème s’impose : "Welcome home", que l’on pourrait traduire par "De retour à la maison". Ce fil conducteur devait ainsi guider les choix artistiques, tout en intégrant certains éléments graphiques invariants définis par l’UER deux ans plus tôt, afin d’assurer une continuité visuelle entre les éditions :
“Pendant longtemps, chaque pays organisateur était libre de créer sa propre identité, en reprenant uniquement le logo Eurovision. En 2023, un tournant s’opère : le slogan “United by Music” est introduit, associé à une charte de marque établie par l’UER, regroupant les valeurs, les typographies, les couleurs… C’est donc un cadre que nous devions aussi respecter pour l’édition 2025”

En 2023 et 2024, les pays hôtes ont ainsi imaginé des concepts différents, tout en intégrant les éléments visuels communs à l’identité de marque de l’Eurovision : “À Liverpool, l’identité visuelle jouait sur le motif du cœur, symbolisant un battement partagé. L’année suivante, à Malmö, ils ont beaucoup travaillé avec les dégradés de couleurs, ce qui fait vraiment partie de l’univers Eurovision. Pour l’édition de cette année, je devais suivre la même logique, tout en trouvant quelque chose à dire sur la Suisse et respecter la marque Eurovision”

Exemple d'identité visuelle - Eurovision Song Contest 2023 - Liverpool

Exemple d'identité visuelle - Eurovision Song Contest 2024 - Malmö
S’ouvre alors une phase de réflexions, entre sessions de brainstorming et ateliers de conception, pour articuler l’univers de la marque Eurovision avec l’identité helvétique : que représente la Suisse ? Qu’est-ce qui la rend singulière aux yeux du monde ?
“Il y a tellement de choses à dire, je pourrais en parler pendant des heures !” s’enthousiasme Artur Deyneuve. ”Pendant ces ateliers, mon rôle était de trouver le golden nugget (la pépite). On s’est dit : OK, que peut-on dire à propos de la Suisse ? A Malmö l’année dernière, ils ont travaillé autour des aurores boréales. Mais c’était difficile de trouver quelque chose d’équivalent en Suisse parce que les sujets nous semblaient tellement nombreux... Cependant il y a un aspect que l’on a trouvé vraiment unique : c’est la démocratie directe. Pendant nos échanges, on a tous senti que c’était cela qui rendait la Suisse différente, et probablement de tout autre pays du monde. On était tous d’accord : c’est ce dont nous voulions parler”
Mettre en image ce qui rend la Suisse unique
Le concept de démocratie directe faisant l’unanimité, il s’agit alors de la traduire graphiquement. C’est alors que l’idée d’un coeur s’est imposée, presque naturellement : “J’ai simplement remarqué qu’en plaçant deux oreilles côte à côté, on obtenait un coeur.
Avec ses deux parties de tailles différentes, il représente la diversité”.


“J’ai ensuite continué de creuser en me demandant comment je pourrais, grâce à ces coeurs, apporter d’autres éléments particuliers et créer une histoire avec ce design, la ville hôte et d’autres spécificités suisses”

Un héritage graphique suisse
L’identité visuelle s’inspire également d’un autre pilier de la Suisse : sa culture du design graphique.
La précision helvétique se traduit ici par une grille composée de coeur de tailles et de formes variées, un clin d’oeil assumé à la tradition du design suisse : “si vous regardez bien il y a des coeurs dans les coeurs, et certains sont super fins !"
Pour Artur Deyneuve, cette grille symbolise le public réuni en un même lieu pour partager un moment commun : ”On s’est posé cette question : que se passe-t-il quand des millions de personnes se réunissent ? Comment faire circuler tout cet amour ? C’est comme ça que la grille est née : c’était la seule façon de montrer autant de cœurs au même endroit”


Ce motif structurant est enrichi par un tramage en demi-teinte, une référence directe à l’histoire de l’imprimerie à Bâle, haut lieu de production imprimée au XVIe siècle.
L’ancrage historique se prolonge dans le choix typographique. L’équipe a souhaité renouer avec l’esprit du tout premier concours à Lugano en 1956, en concevant un caractère aussi traditionnel que possible. Dessinée par le typographe Ian Party, la police Eurotimes tranche volontairement avec les formes et les couleurs vives de l’univers visuel.
Au-delà de son dessin, le choix de la casse a également été réfléchi. Ces dernières années, les identités visuelles de l’Eurovision utilisaient quasi systématiquement les majuscules. En 2025, l’équipe a privilégié une approche différente, avec des minuscules pour présenter les pays et certains titres : « Cette année, on voulait montrer qu’on était là pour s’écouter, pas pour crier. On a pensé qu’une casse en minuscules seraient plus propices à la discussion ».


Si Bâle fut jadis le berceau de l’imprimerie suisse, elle est aujourd’hui une ville tournée vers la technologie et l’industrie pharmaceutique, ce qui ouvre la voix à d’autres sources d’inspiration plus surprenantes : “On a voulu creuser ces aspects actuels, et nous avons aussi puisé une autre référence : le LSD, pour ce qu’il évoque comme couleurs, comme formes…”, explique Artur Deyneuve. Le LSD a en effet été découvert à Bâle en 1938, par le chimiste suisse Albert Hofmann.

L’univers musical de cette édition a été confié à l’agence MassiveMusic, en étroite collaboration avec l’équipe en charge de l’identité visuelle. Le son et l’image ont été pensés ensemble : “On était toujours dans la même pièce, à travailler avec la même intention. Le processus de création de la musique suivait exactement la même logique que pour le design : on est partis de la Suisse. Qu’est-ce qui fait la Suisse ? Le folklore, la nature… Et pour donner plus de rythme, plus d’énergie pour le show, on a aussi pensé à l’électro, à la techno. En Suisse, il y a la parade de Zurich, qui est classée à l’UNESCO comme la plus grande parade du monde. Alors on a mélangé tout ça : la techno, le yodel, avec un groupe de Bâle qui nous a aidés. On a mis tout ça dans un sac, on a secoué… et voilà. C’était vraiment fun.”

Donner vie au design
Le design et la musique créés, il est temps de rendre tout cela télévisuel, de l’animer. Pour Artur Deyneuve, la transposition sur scène et à l’écran est une nouvelle facette du projet, qu’il aborde avec enthousiasme : “En réalité, je n’avais jamais fait ce métier de ma vie ! Mais cela m’a beaucoup aidé d’avoir été impliqué avec l’équipe dès le début”
Les échanges permanents avec les équipes de production ont permis d’identifier rapidement les contraintes liées à la diffusion télévisée : “On m’a dit tout de suite : l’effet moiré, ça ne fonctionnera pas à la télévision. C’était génial d’appréhender ces problématiques techniques, parce que cela a permis à l’identité et à la marque d’évoluer.”
Au moment de concevoir la scénographie, il revient à l’une des idées fondatrices du projet : la grille : “On construit tout à partir de cette grille. Je me suis dit, OK, on est en Suisse, on a des montagnes devant nous… Alors que se passerait-il si je construisais un beau paysage, fait de nos cœurs en 3D ?”


Les contraintes techniques ne se sont pas limitées à l’image : elles ont également nécessité des ajustements typographiques. La typographie Eurotimes, dessinée spécialement pour l’événement, n’a pas pu être utilisée dans certains synthés, notamment les tableaux de score ou de vote, pour des raisons de lisibilité. Des adaptations ont donc été nécessaires pour garantir une bonne lecture à l’écran.
Les "postcards", modules diffusés avant chaque performance en direct.
Autre singularité suisse : la forme de son drapeau. En effet, avec le Vatican, la Suisse est le seul pays au monde à arborer un drapeau carré. Une forme atypique, souvent malmenée dans les habillages standardisés des grandes productions télévisées, où le rectangle règne en maître.
Mais cette fois, c’est la Suisse qui accueille. Alors Artur Deyneuve s’est amusé à inverser les rôles : “Depuis le premier jour, on n’a utilisé que des drapeaux carrés !”

Avec le recul, il mesure l’ampleur du chantier. Avec une équipe de 50 personnes, la direction artistique a été au contact de tous les métiers : production, tournage des “postcards”, communication, typographie…

“Je me souviens d’avoir reçu une infographie, au tout début. Un diagramme énorme, avec toutes les équipes, tous les départements. Et là, je vois deux noms au centre, dont le mien. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que mon travail allait toucher à tout”



La finale du Concours Eurovision de la chanson 2025 se tiendra samedi 17 mai 2025 à 21h00 (heure de Paris). En France, l’événement sera diffusé en direct sur France 2 et en streaming sur la plateforme france.tv. Elle sera également diffusée en direct sur la chaîne YouTube officielle de l’Eurovision.
Cette année, la France est représentée par Louane avec sa chanson “Maman”. Elle se produira en 24e position lors de la finale.
Crédits
Artistic direction : Artur Deyneuve
Graphic design : Lukas Stadelmann
Motion design : Alain Fiechter
Manifesto : Eqal Visual Productions
Visual identity system : Not Wieden+Kennedy
Music : Massive Music
Typography : Newglyph
Postcards : Dynamic Frame GmbH
Coordinated by EBU. Hosted by SRG SSR.
Copyright visuels : SRG SSR.
Article : Antoine Etienne, Johann Frarier, Valentin Socha